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on ze road again...

on ze road again...
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23 février 2007

Générique de fin

Je repasse faire un tour sur mon blog échoué...les visiteurs continuent de débarquer !
Oh, les amis, ça y'est , je suis rentré et même si je me prépare déjà au redépart, j'ai plus grand'chose de passionnant à raconter.
Bon ben puisque je suis encore quelques instants sur la toile, j'en profite pour remercier tous ceux qui m'ont filé un coin de matelas de Libreville à Kin et de Kin à Luanda. Je remercie Econoflat à Saint Ouen pour ses précieux conseils au fil de la piste.

Et je dédie ce récit de voyage à Manou qui est partie le même jour que moi mais ne reviendra pas...

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14 février 2007

Epilogue

Deux jours à Kinshasa, juste un petit transit de rien du tout , histoire de faire coucou vite fait avant de repartir…
Et je me retrouve chez moi, il fait un peu frisquet mais d’une certaine manière, ça fait du bien. Et puis dans le garage, il y a ma Triumph 900, une vraie moto qui marche, qui accélère, qui freine…ça va me changer, tiens, de faire un tour là-dessus. Je me souviens qu’en décembre dernier, j’en faisais un dernier en rêvant que j’étais déjà avec ma Béhème sur les pistes d’Afrique.
A quoi je vais rêver cette fois-ci ? Le trois-cylindres redémarre sans sourciller  et me voilà parti. Bon c’est vrai, ça caille un peu, mais à moto, quand ça roule, la magie opère toujours.
Après quinze bornes, gros bruits de ferraille dans le moteur, je sursaute, je ne veux pas y croire, mais c’est comme ça, la malédiction africaine n’a que faire de quelques heures d’avions,  ou quelques milliers de kilomètres, elle me poursuivra jusqu’au bout.

triumphenrade

Mais je ne me laisserai pas faire, et dès la fin de l’automne , on fera comme à chaque fois, on prendra rencard et on se retrouvera à Luanda avec une montagne de pièces de rechange et une bécane à refaire partir pour toujours un peu plus loin…

9 février 2007

dernière étape angolaise

les_blanchemanches_copie

J’ai fini par trouver quelqu’un qui pouvait stocker ma bécane. C’est rigolo, quelqu’un qui connaît quelqu’un, qui connaît quelqu’un et me voilà dans une cour  à côté d’une piscine vide à démonter ma moto chez un mec dont je ne connais même pas le nom mais qui a l’habitude de secourir les motards en détresse. Tiens, la preuve, un jour, ce gars-là a recueilli chez lui un mec qui s’était  pété le bras au Congo en guerre et qu’un convoi militaire avait ramené depuis la frontière jusqu’à Luanda ; Il avait dû en chier le mec !
C’était  un Alsacien qui faisait le tour d’Afrique avec une Yam TDM 850… Le tour en TDM, y’ faut être un peu gonflé, comme bête de tout terrain on a vu mieux…Mais c’est bizarre, en quelle année c’était ?
Oh, je sais plus trop, qu’il me répond…il doit y avoir pas loin de dix ans.
En quatre vingt dix sept, je me souviens, j’étais descendu de  Tanger à Abidjan  et sur la piste sublime qui relie Kayes à Bamako j’avais rencontré un alsacien qui faisait le tour d’Afrique en TDM…c’était assez incroyable , on faisait la sieste, mon passager belge et moi, sous un épineux rachitique parce qu’il faisait vraiment trop chaud pour continuer à rouler. Ce bruit de moteur au loin, ça nous a fait bizarre. Cette piste qui se balade entre le fleuve et la voie ferrée a cette particularité sublime, de n’être fréquentée par aucun camion, aucun quat’quat’, rien qu’un train tous les trois jours et des villes vivants à son rythme. J’ai longtemps classé ces six cent bornes dans mon best off des pistes d’Afrique de l’Ouest, jusqu’à ce qu’on m’apprenne récemment qu’elle avait été goudronnée. Tout fout l’ camp… mais ce n’est pas maintenant que je vais reprocher à l’Afrique de moderniser ses routes.
Notre alsacien, on se l’était gardé jusqu’à Bamako, et puis nos routes se sont séparées. Arrivé à Abidjan, un mois plus tard, j’étais allé me reposer un peu à Grand Bassam, l’ancienne station balnéaire coloniale avec ses jolies maisons en ruines.  Et là, voilà que je retombe sur mon alsacien qui lui aussi avait décidé d’un peu se poser là. C’est vrai, le monde est petit qu’on dit toujours, mais, des fois, y’a de quoi y croire. Quelques années plus tard, je l’ai revu  chez moi, tout simplement. Il avait fini son tour d’Afrique tant bien que mal et il bossait dans la région. Comme il avait gardé mon adresse, il passait boire un coup. Après je ne sais pas ce qu’il est devenu ; c’est toujours comme ça.
Mais voilà que je retrouve sa trace à rebours à Luanda.
Christophe Hermann, qu’il s’appelait, s’il est toujours sur la route, je le salue bien, je suppose que je le recroiserai un de ces jours. J’ai l’habitude, maintenant.
motocasse Ce matin, il fallait que j’aille chercher mon billet d’avion, quelques outils et que je passe saluer ma nouvelle famille angolaise.  J’ai donc mis deux bougies neuves, je ne pouvais pas résister à l’envie de cette dernière petite dose. Mais c’est toujours comme ça, ça n’a même pas tenu cinq kilomètres, et si j’ai dû continuer à pied en plein cagnard, tant pis pour ma gueule, je l’avais bien cherché ! Il a fallu qu’on vienne me récupérer avec un vieux pick-up rouge    pour m’amener près de la piscine vide .
Je n’avais jamais désossé ma bécane à ce point avant de l’abandonner . Je me demande, s’il n’y a pas quelque  chose de ridicule là-dedans.
Faut-il vraiment tenter de ressusciter les morts.  J’ai quelques mois pour méditer ça. Mais bon, je vais quand même essayer.
Il y’a une heure de vol de Luanda à Kinshasa, un autre espace temps, petit à petit je m’éloigne du rythme de l’Afrique.

8 février 2007

sagra familia

J’ai une sorte de famille lointaine ici, à  Luanda, enfin par alliance, plus ou moins ; je vous explique vite  fait…Enfin, vite fait, il y’a de quoi écrire un roman de mille pages avec cette histoire, donc je vais simplifier…
Il y a très longtemps, à la fin des sixties, ma gonzesse  habitait un pays lointain  aux portes du désert où se retrouvaient régulièrement des révolutionnaires du monde entier, déserteurs américains, maquisards mozambicains, gueriéros    Angolais ou révolutionnaires cubains.  Là-dedans il y avait des hommes et des femmes qui voulaient changer le monde. A l’age où je lisais le Cosmoschtroumpf, eux avaient déjà dévoré tout  Marx, Lénine et Bakounine.

lavictoria

Certains retournaient faire la révolution, d’autres non, mais ils changeaient de pays comme de slibard, peut être même plus facilement parce qu’au maquis, on ne fait pas souvent la lessive…c’est une époque  lointaine où ça croyait bien plus à l’humanité que maintenant, mais l’humanité  a tellement merdé depuis, qu’on est en droit d’un peu douter de ses aptitudes  aux grands lendemains qui chantent. Ou même qui fredonne, quoi, mais non…
Quelques jours à Luanda, d’ailleurs, suffisent à se dire que  juste croire à des surlendemains, c’est déjà pas mal gonflé.
Pour faire dans l’hyper raccourci , tout à la fin, plus de vingt ans plus tard, on se retrouve avec deux franco angolaises nées à Luanda, arrivées toutes petites à Montpellier  et qui, bien sûr, n’avaient jamais connu leur famille d’Afrique centrale .  Je suis donc allé les saluer.

baieluanda

Ils savaient que je devais passer parce que depuis quelques mois seulement, des liens avaient commencé à se renouer. C’est comme ça que je me suis retrouvé, l’autre soir, invité à un anniversaire dans une famille Luandaise où je ne connaissais personne mais on m’a présenté tout le monde  .
Comme ils mangent copieusement et boivent beaucoup de mélanges de bière, de champagne sucré et de mauvais whisky, j’avais un peu oublié  tous les noms  quand je me suis traîné avec un peu mal au bide dans la belle bagnole du cousin Johnny. Le lendemain, ils devaient m’emmener voir les terres qu’ils ont à cinquante bornes hors de la ville, mais personne n’était vraiment apte à se lever très tôt, alors je suis resté dans le bungalow à ausculter ma moto.Entre le frein qui coince, la transmission qui grince, le moteur qui fume, l’eau dans la boîte de vitesse et la bougie droite qui pète tous les quinze kilomètres, je me demande vraiment si cette bonne vieille bécane n’est pas venue ici pour y mourir héroïquement.
accromotoJe la fais tourner un peu, juste pour prendre l’air, pour me souvenir  de ce qu’est le plaisir du voyage à moto. Mais il faut que je sois vigilant, chaque kilomètre avec un moteur qui tourne si mal peut provoquer des pannes irréparables, ça devient comme un junky qui n’arrive pas à se sevrer, je tourne en rond, je regarde la bécane, et je me dis que, merde, quoi ; encore une petite dose, c’est pas  bien grave ; La dernière, le dernier kilomètre de vent dans la gueule et puis c’est promis, c’est juré, je décroche.

4 février 2007

un ouïquende à Luanda

Sans béquille ni démarreur, ma bécane est devenue une sorte de masse de métal inutile plantée devant les bungalows des Français. A Lagos, ou à Kinshasa, il y avait le HLM de l’ambassade, un immeuble bien clôturé et bien gardé où étaient logés la plupart des gens qui bossaient au consulat , à l’ambassade ou au centre culturel…ici c’est ce petit ensemble de bungalows clôturés de jasmin et d’acacias et étrangement planté au milieu des locaux techniques de la compagnie électrique EDEL. bungalowC’est étrange, ça me rappelle mon pote Harty qui habite au milieu d’une gravière en Alsace. Ici, dès qu’on quitte le petit périmètre verdoyant, on est au milieu des camions ,des entrepôts et des containers.

Juste à côté, ma bécane semblait prête à finir avec les gravats. Il fallait réagir.

On m’a donc trouvé quelqu’un qui pouvait m’emmener au quartier du Golf qui, bien sûr, porte très mal son nom. On se retrouve dans cette périphérie boueuse et embouteillée par laquelle je suis arrivé ici sur mon camion orange.

Le quartier du Golf, c’est le marché informel de la pièce de bagnole. Après une fatigante prospection au milieu de la chaleur et la poussière, on finit par trouver le Valéo qui correspond à peu près au mien et qui a l’air de tourner qauand on le branche sur une batterie. Tout est toujours compliqué ici, venir ici, faire son emplette et repartir, ça te bouffe facile une journée, alors pas question de tergiverser, on prend ou on prend pas. A deux cent quatre vingt dollars il y a de quoi hésiter, le prix du démarreur est comme celui de tout ici, étrangement démesuré pas rapport au boxon moite ambiant. Après la traditionnelle discussion, je m’en sors à deux cent vingt et je rentre directo remonter ça près du bungalow…

golfEnfin, le temps d’arriver la nuit est tombée et on verra ça demain à l’aube.

Le lendemain, je peux vérifier que je ne me suis pas fait entuber mais pas loin quand même; le démarreur poussif arrive à démarrer le moteur mais il a bien du mal et je ne suis même pas certain de compter sur lui pour trois jours à Luanda.

De toute manière un petit tour de quartier suffit à me faire comprendre que, non, vraiment, il faut que la bécane attende tranquillement ici de quoi lui redonner un semblant de panache pour reprendre un jour la route du sud…

                   foot

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3 février 2007

Les chinois en Angola

Les chinois viennent beaucoup s’installer ici . Moi je croyais qu’ils venaient juste pour faire du bizness mais on m’a dit qu’en même temps, ils restaient dans certaines régions qu’on leur filait pour les valoriser. C’est bizarre, cette sorte de néo-colonisation à la demande des colonisés eux-mêmes. Les chinois refont les routes du sud et celles qui partent vers la Zambie et le sud du Congo…peut être même que l’an prochain, je pourrai passer par là.

               les_chinois_a_luanda

Les chinois construisent le nouvel aéroport…en creusant ils ont trouvé un gisement de diamant,il y en a partout ici, des diam’s, alors ils remplissent des containers de terre qu’ils renvoient chez eux pour les trier tranquillement à la maison. Y perdent pas le nord ces chinois !

2 février 2007

Luanda

Luanda…

                                cahier_luanda1

C’est une drôle de ville cette capitale d’Angola, un peu déconcertante et qui fatigue très vite les expat’s qui y vivent. Ce pays, par certains aspects, me rappelle un peu le Nigéria ; ces régions qui regorgent de richesses minières où on trouve des gens très riches et puis des gens très pauvres et pas grand monde au milieu. Les gens très riches font venir des sociétés étrangères pour exploiter les ressources mais ils leur font bien comprendre que s’ils dérangent trop, ils peuvent aller se faire voir, on peut toujours trouver une société rivale qui n’attend que son tour. Européens, américains ou chinois, tout le monde veut son petit bout d’ici mais y’a pas de raison qu’on lui en fasse cadeau. Comme au Nigéria, ici , rien ne marche. Les routes, j’en ai assez parlé, mais l’électricité est toujours en panne et y’a plein de coupures de flotte. Du coup, il faut toujours avoir un groupe électrogène et une citerne de secours. L’eau livrée par camion dans les citernes coûte évidemment très cher et pour le gasoil des groupes, c’est une autre histoire . Les stations services sont toujours en rupture, normal, comme au Nigéria, et donc elle refuse de remplir les bidons pour les groupes, parce que sous prétexte de gasoil pour l’ électricité, des petits malins revendent tout de suite à l’autre bout de la queue le contenu de leur bidon à un prix très majoré et on en sort jamais puisque ça n’avance plus à cause des bidonneurs qui bloquent les pompes. Si on est riche ou expat, on a donc un très gros groupe et on se fait livrer le fuel à la maison comme en Europe. y’a donc que les pauvres qui n’auront pas d’électricité mais les pauvres, les riches les emmerdent puisqu’il ne rapportent rien, y’z’ont qu’ à crever les pauvres …d’ailleurs c’est un peu ce qu’ils font, choléra, sida, lèpre, y’a tout c’qu’y faut ici pour ne pas faire de vieux os. Alors il y’a plein d’organismes internationaux qui sont là pour essayer d’un peu arranger tout ça ; ça fait encore de nouveaux expat’s…les proprios, riches et souvent à l’étranger vont pouvoir encore faire exploser les loyers. Pour un appartement ou un bungalow, c’est quatre ou cinq mille dollars, pour une maison ça grimpe très vite à vingt ou trente mille dollars, on s’en fout, c’est les sociétés qui payent. Oui mais bon, tu fais quoi si t’es pas une société ?

Ben si t’es pas une société, on t’emmerde, t’es en cours de paupérisation et t’as qu’à choper la lèpre et faire la manche dans la rue !

                            cahier_luanda2

31 janvier 2007

truck mouvie

 De Tamboco à Luanda

 Histoire de camion

Le matin , on m’avait donc trouvé un camion, à treize heures la moto était dessus,mais à la tombée de la nuit, ça bricolait ferme sous le capot. On m’a dit d’attendre encore un peu, je suis retourné à l’hôtel, la grosse taulière n’en avait pas grand chose à faire que je traîne toujours là, la clé était toujours sur la porte, je suis allé m’allonger, le temps qu’on vienne me chercher dans la nuit.

                                     tamboco

A l’aube, je me suis réveillé, toujours aucune nouvelle du camion, je suis allé voir à pied à l’autre bout du bled qui s’éveillait ; le capot était refermé. Ils m’ont dit une fois de plus de retourner à l’hôtel, qu’on allait pas tarder à partir…cette fois-ci, c’était vrai, à peine retourné à la piaule prendre mon sac, le gros M.A.N orange était garé devant.

La route de Tomboco à N’zeto, c’est un ancien goudron troué au milieu de petites collines boisées, ce genre de truc qui se slalome tranquille à moto mais qui sur un camion, avec des suspensions de camion, finit très vite à ressembler à une sorte de passage à tabac.

Ma bécane est plantée à l’arrière de la benne, bien coincée entre des régimes de bananes plantin , des ananas et des sacs de manioc puis deux bobines de gros câble en acier. A l’avant, il y a seulement un stock de grandes planches , et tous les passagers avec leurs bagages assis dessus . Une dizaine de mecs, deux gamins et une gonzesse, et puis aussi un coq et une chèvre.

dans_la_benne

Il y’a quelqu’un que je connais bien et qui affectionne tout particulièrement les sauts de mezzanine sur le dos, qui, il y a bien longtemps, m’avait dit combien elle préférait le transport local à mon glorieux canasson de ferraille. Je suis donc enfin en phase d’initiation au vrai transport de brousse et j’ai un peu du mal à croire, accroché comme je peux, que sa réflexion avait été mûrement réfléchie.

Dans une benne de camion, on saute d’une mezzanine toute les trois minutes !

Au début, je pensais qu’assis sur ma selle et accroché au guidon serait sans doute la meilleure position, puis ça me rappelait un peu un vieux gag de Franquin où Gaston, au volant de sa vieille bagnole perchée sur un camion de dépannage savoure enfin son impressionnante et exceptionnelle moyenne.

A chaque trou, mes collègues étaient morts de rire à voir ma tronche au milieu de tout le bordel qui sautait dans tous les sens. Ils me disaient de venir à l’avant mais moi, je m’obstinais à refuser d’aller asseoir mon cul osseux sur les planches, persuadés que ma selle resterait toujours le meilleur refuge possible.

Je le sais maintenant pourquoi en Afrique, les gens ont le cul bombé. Depuis des millions d’années, l’évolution les a préparés aux transports en camion. Et qu’un créationniste ne vienne pas contrer ma nouvelle théorie ou je le noie dans un trou d’eau.

Après quarante bornes, on arrive à N’Zeto. C’est une petite bourgade de bord de mer, toute sale, toute triste, mais avec quand même ce petit côté portugais, qu’on trouve aussi au Mozambique, avec les petites maisons colorées très « années cinquantch » , puis l’habituelle grande avenue centrale avec son beau terre-plein central et ses lampadaires cassés. A partir de là, la piste est en terre, bien droite, bien sèches et une petite montée de rancœur me vient encore en pensant au plaisir que j’aurais pris ici, si mon démarreur avait été étanche. Une piste en terre, ça secoue chekkeurmoins qu’un goudron troué, mais en camion, c’est toujours assez brutal. A droite, au loin, il y a l’océan au et tout autour une savane vaguement cultivée, puis petit à petit la végétation s’épaissit , je m’imagine fendant l’air sur mon engin ronronnant, ça aide un peu à amortir les chocs.

J’ai quand même profité de la pause un peu longue à N’Zeto pour passer vers l’avant. Bien planté au milieu des bananes, je me suis fait un vague nid d’amortissement avec mes bagages. On s’organise comme on peut.

On m’a souvent parlé du réel plaisir de l’immersion dans le transport local, ce fameux « contact » comme aiment à dire ces routards qui « font » les pays.

La moyenne d’age de mon équipage est bien en dessous des trente ans ; sur la benne, le vieillard c’est moi. Une bande de branleurs qui passent leur temps à traiter les gonzesses qu’on croise de salopes. C’est pas que je me sois mis à l’argot Lingalo-portugais, mais la gestuelle qui accompagne leurs vociférations d’ado mal baisés est sans équivoque. Pendant ce temps-là, les deux gamins torturent le poulet et la chèvre et la gonzesse roupille. Le camion s’arrête de plus en plus souvent pour remettre de l’eau dans le radiateur, mais vraiment trop souvent, quoi, du genre tous les cinq kilomètres puis dès qu’on passe une rivière, on va remplir la vingtaine de gros bidons pour avoir de quoi tenir. pause_radiateur

On s’arrête dans une micro bourgade de brousse pour bouffer un peu.

Il y’a quelques femmes qui ont préparé l’habituelle viande de brousse, avec du manioc et des haricots, il y a aussi des montagnes de langoustes mais comme je n’ai pas la dentition des gens d’ici, je doit me contenter d’un ragoût de rat, ce qui finalement nourrit bien son homme, c’est bien connu .

Le paysage est devenu très joli et on a bien le temps d’en profiter puisqu’on s’arrête tout le temps remettre de l’eau. Partout des baobabs de toutes sortes, les épais comme au Sénégal , ceux en forme de bouteille et ceux bien élancés un peu comme à Madagascar…ça c’est juste pour frimer que j’suis allé partout, mais je vous rassure, je ne connais toujours pas Etretat.

La nuit tombe, on est envahi de mouches suceuses de sang, tout l’équipage se balance des coups de casquette, on dirait une baston de cour de récré.

Je me souviens d’un pote dessinateur qui m’a accompagné deux fois sous ces cieux écrasants, et qui s’était tapé, en Tanzanie, une hallucinante psychose de la mouche tsétsé ; je crois que s’il m’avait suivi cette année, il serait mort de terreur sur notre benne noyée dans l’essaim vrombissant. Bon, c’est vrai, j’en rajoute, elles ne font pas de bruit ces mouches-là, mais c’est pire !

Le camion finit par stopper dans un petit village de bord de piste, une dizaine de petites maisons en terre. Les deux qui se font face, de chaque côté de la route, sont les bistrots du coin. Comme à Kinshasa, c’est à celui qui foutra la musique le plus à donf.

                          deux_bistrots_

L’équipe technique du camion commence à réparer les fuites de radiateur avec un mélange de fibre de tissu, de sable et de super glue, une sorte de béton armé de la mécanique de brousse. Pendant qu’ils s’affairent là-dessus, le reste de l’équipage commence à se préparer pour la nuit. Il y’a ceux qui se font le lit sur la benne et ceux autour ou sous le camion. Moi, je commençais à me préparer une litière sommaire entre les bananes et les ananas. Une vieille odeur de pourri commençait à monter de tout ce que la piste avait éventré, mais bon, on est en plein air, ça devrait pas trop me laminer l’odorat. Le chef du camion m’appelle…il m’a sorti le dossier de la banquette de la cabine pour que je puisse avoir une sorte de matelas. Je descends donc de la benne et m’installe sur mon nouveau petit lit. Je me sens bien contusionné de partout, et puis avec les deux sonos pourries qui se font la guerre à coup de groupe électrogène et de zique pourrie à plein régime, je me sens paré pour une nuitée de catégorie plutôt bas de gamme. Allongé près du gros M.A.N orange, je regarde les ombres insolites de ceux qui dansent toute la nuit sous les baobabs et puis, malgré tout, très légèrement démembré de partout, je finis par m’endormir pour m’éveiller à l’aube comme tout le monde, ici. On grignote quelques babioles comestibles, bien qu’indéfinies, achetées aux bistrots reconvertis le matin en épiceries sommaires et puis on va tous se laver à la rivière. Le camion reprend la route, on se recale comme on peut entre bananes et planches en bois mais c’est un peu plus compliqué que la veille, à cause de toutes ces contusions à la con.

 A soixante kilomètres de Luanda la route défoncée fait place à une excellente piste suivie très vite d’un goudron tout neuf. On longe un océan un peu assoupi et comme il n’y a plus de trous, on peut très vite faire comme lui. camion_bord_de_mer

La périphérie de la capitale a comme des airs de fin du monde, il y a cinq jours, il y’a eu ici sept heures de pluies qui ont emportés des quartiers entiers . Au bord de la mer, il y a des minibus-taxis échoués sur les plages à côté de bateaux de pêches retournés , plein de maisons éventrées. Je me dis que si je n’avais pas eu cette panne de démarreur, je serais peut-être arrivé juste à ce moment-là et que le trou d’eau qui m’aurait mangé avec ma moto aurait fait plus de dégâts que mon petit étang crétin, à côté de Tomboco.

Le camion commence à s’enquiller dans une inextricable périphérie informe et à moitié inondée pour finalement s’arrêter quelque part au milieu de tout ça et commencer à décharger. Je sens encore comme un plan foireux, j’avais bien demandé à être débarqué sur du bitume pour pouvoir repartir à la poussette. Heureusement, je n’ai pas encore filé les trois cents dollars comme l’aurait bien voulu le chef de camion au début de la négociation, il me reste donc un léger moyen de pression. Le mec des ananas fait la gueule parce-qu’ y’en a plein des éventrés, celui des bananes aussi et celui des arachides, ses sacs se sont déchirés et ses cacahuètes sont répandues partout au fond du camion. Moi j’ai le pare-brise du carénage cassé et surtout la béquille de la moto qui n’a pas résisté aux chocs du trajet. Le camion repart avec juste les planches et la moto refixée tant bien que mal. On tournicote encore dans les quartiers inondés d’une flotte grisâtre où il ne doit pas faire très bon de crapoter en ces temps de retour de choléra. Un peu plus loin, on s’extirpe du labyrinthe humide et me voilà enfin déchargé sur un goudron à peu près normal puis tout le monde pousse. Le chauffeur, le mécano et son assistant…le moteur démarre sur son unique cylindre gauche et c’est parti direction centre ville ; on m’a vaguement expliqué la route.

  dessin_vieux_mercosPendant des kilomètres, c’est rien que du bouchon de minibus , de camions et de quat’quats, y’a des trous partout , accroché à ma poignée de gaz, il ne faut surtout pas caler. Sans béquille, ni démarreur, je n’ose pas imaginer ce qui se passerait si le moteur s’étouffait entre deux bahuts rouillés. Après les kilomètres de passages pourris, ça se dégage enfin. A partir de l’ambassade américaine qui domine la ville, quelques lacets bien goudronnés m’amènent au bord de la mer, là ou Luanda étale un peu ses richesses énormes mais encore plus mal réparties qu’ailleurs , des immeubles d’affaires tout neufs, un front de mer tout propre avec des bagnoles de rupins un peu partout . Mon contact local m’avait filé rencard au pied d’un hôtel que je n’arrive pas à trouver, je fini par caler à un endroit où je peux laisser la moto contre un trottoir surélevé.

Attroupement immédiat, un métis fortuné arrête son gros Toyota et me prête son portable histoire que je me fasse localiser, il veut que je passe à la radio qui est juste à côté, je lui dis que je suis attendu et que je voulais juste téléphoner . Un autre zigue un peu énervé veut qu’on appelle les flics pour qu’ils vérifient si je suis bien « légal »…c’est le truc des excités de l’ordre ici, l’obsession du « légal ». Mes sauveteurs arrivent, tout le monde pousse et ça démarre La route grimpe pendant un ou deux kilomètres et me voilà arrivé dans un petit bungalow entouré de verdure. C’est une zone comme ça ; des petits logements de fonction en préfabriqués isolés des bureaux qu’il y a tout autour par des bouquets de bambous et d’acacias, c’est ici que je vais devoir organiser ce que sera la suite de ce voyage un peu agité. Trouver des pièces et tenter de réparer puis de repartir ou bien chercher un endroit ou stocker la moto jusqu’à l’hiver prochain où je reviendrais avec tout ce qu’il faut  pour enrayer le maraboutage.

Ici tout est toujours au rythme de l’Afrique et rien que tenter de savoir où trouver des pièces, chercher comment s’y rendre et puis juste y aller, ça prend tout de suite quelques jours…

29 janvier 2007

Encore un tout p'tit peu plus loin...

Jeudi vingt cinq

Au bord de la piste, une sorte de vie s’organise autour du taxi en attente.

On commerce avec les femmes qui passent sur le trajet des champs, le choix peut sembler limité, maïs, cacahuètes crues ou manioc , mais on ne meurt pas de faim…de chaud un peu, et de soif aussi, si on se montre un peu trop regardant sur la qualité de la flotte. Je me suis mis à dessiner les quelques caricatures habituelles puis très vite, carrément planqué sous un arbuste, à bosser sur mes BD. Je n’arriverai jamais à me fondre vraiment dans cette ambiance-là, à un moment donné, quand je me rends compte que le taxi n’a pas qu’un problème de carburant mais aussi d’embrayage, et de filtre et que sais-je encore, qu’il faut démonter en retournant à Sancta, tiré par le tracteur, quelque-chose se fissure et je me rends compte combien mon équilibre africain dépend tragiquement de celui de ma moto.

Comment ils font tous ? Hier, la police de passage avec son Toyota, a emmené presque tousles passagers du bus en attente pour vérification d’usage, personne ne les a jamais ramené, il y en a juste une qui est revenue à pied. Normalement, le bus doit les prendre en passant à Tomboco, mais comme il ne partira pas avant quelques jours, comment ils vont faire tous, sans leurs bagages, à attendre ce taxi-fantôme ? Puis il n’y en aura pas d’autre de passage de bus, ça je le sais, parce que je suis passé cinquante bornes plus haut, il y avait un semi-remorque couché en travers dans une côte super glissante. Il n’y a que moi qui ait pu passer sur le côté du camion. On m’a demandé de prévenir les autorités, dès que j’arriverais dans un endroit avec téléphone. Pas de problème les amis, j’aime bien les missions improvisées, c’est mon côté boy-scout . Mais j’y suis arrivé trois jours plus tard que prévu aux autorités, et sur un seul cylindre.

Je vous raconte ça, les amis.

                         auborddelaroute

Quand j’ai appris que le taxi allait rester encore là quelques jours, je ne pouvais que tenter d’aller un tout petit peu plus loin, d’un coup de démarrage à la poussette un peu désespéré. Laurenço était toujours avec moi ; on a passé ces deux jours ensemble, il voulait être sûr que j’embarque bien dans le taxi, il a même dormi dans ma tente . Quand le moteur a vrombi de son unique cylindre gauche, il m’a accompagné sur la moto, mono-cylindre improvisé , pour me présenter aux autorités de Tomboco…Dix bornes de pistes sur un piston, elle fait ce qu’elle peut ma pauvre monture malade. Elle ne veut pas que je la jette au fleuve, mais tout le monde sait très bien que la cavalerie ne mange jamais ses chevaux.

Ce soir j’invite une autorité locale à grailler un poulet dans mon nouvel hôtel tout pourri à trente dollars…demain, il me trouvera peut être un camion pour Luanda…Demain, c’est toujours un autre jour.

Vingt six ; petit matin

Réveil à l’ aube, j’ai bien dormi…

J’ai pu me faire une lessive hier et étendre mon linge pour la nuit devant le ventilo en transformant le câble de mon ordinateur en corde à linge.

C’est bien un ventilo, ça chasse aussi les moustiques, mais Tomboco n’a du courant que quelques heures par jour, c’est con, il fonctionnait bien mon système, surtout pour les moustiques…

                       ventilomoustiko

Il y a toujours aux étapes de voyage, des petites mémés qui peuvent te laver ton linge pour un peu de sous mais dans ce pays ravagé par trente ans de guerre, certaines évaluations se sont emballées et plus que partout ailleurs, le blanc de passage, on le repère de super loin, et si c’est pas de l’arme lourde qu’il vient vendre avec sa moto, il trafique sûrement dans le diamant . Une piaule de base ou deux T shirts à lessiver, c’est sûr y’a de la thune grave à se faire.

Je ne peux m’empêcher de ressentir une certaine inquiétude en songeant aux fluctuations aléatoires du court du transport de moto cassée…si seulement j’avais un démarreur, je pousserais sur le bouton et je partirais plus loin.

Il y a un truc super énervant avec ce démarreur, surtout quand on voit les petites motos chinoises toutes pourries traverser les bourbiers. Y’en a une, c’était une Kawezeke, si, je vous jure, c’est pas une faute de frappe, et bien ce truc tout brinqueballant, son démarreur, il est étanche lui !

Quand, ils inventent des motos qui symbolisent le grand raid, ils pourraient quand même songer à quelques trucs simples ; un démarreur étanche, un filtre à air en mousse…on a tellement l’air con, en rade en pleine brousse à cause de petites conneries comme ça. Mais bon, je sais que ma bécane commence à dater et que de toute façon, contrairement aux photos des prospectus, très peu de ces gros trails viennent s’égarer sur les pistes africaines. je me demande combien ils sont, une fois passé le Sahara à chercher la saison des pluies en Afrique Centrale, le bourbier bien gluant ou le trou d’eau fatal.

Y’a peut être que moi, ici, ça ne va pas être facile de compter sur la solidarité des motards, il ne me restera que l’univers impitoyable des camions.

29 janvier 2007

un peu plus loin, un peu plus d'eau...

Samedi 20 de LolayaBonobo à Songololo

                                     docteursmonkeys

Une belle route à péage, mais pas pour les motos, qui serpente entre les collines verdoyantes. C ’est un peu les mêmes que dans le Pool, ce qui finalement n’est pas vraiment étonnant puisqu’on est plus ou moins en face mais sur l’autre rive du grand fleuve. De Kinshasa à Matadi, j’ai l’impression que c’est la seule route en bon état dans cet immense pays. J’ai fini par interrompre ma convalescence au paradis des grands singes. Ma petite fièvre permanente ressemblant plus à de la grippe qu’à du palu, plus rien ne pouvait empêcher mon départ, sinon bien sûr la seule envie de rester encore un peu plus longtemps. Mais hors du monde, il ne faut pas oublier qu’on m’attend plus loin, que j’ai pris des engagements voire presque des rencards, à Luanda. Je reprends donc la route en me demandant quelle sorte de maraboutage va me tomber dessus…je le sais, je le guette, il est comme ça ce voyage-ci, truffé de petites galères puis de surprises inattendues, ce qui, je vous l’accorde, est bien le propre des surprises. La moto tourne bien, elle fume un peu depuis Kinshasa, vu comme ça dans le rétro, à l’accélération, il y a même un petit côté vieille Kawa mach3…celle avec le moteur deux temps qui laissait toujours un traînée bleue derrière ses démarrages en wheeling forcené. Je me suis très vite rendu compte que mon nouveau djoudjou était là ; si je dois prévoir un litre d’huile tous les cents kilomètres, l’arrivée à Luanda ne sera pas simple…il reste encore cinq cent bornes de pistes et ce soir il pleut, il paraît qu’il n’avait pas flotté depuis quelques jours, c’est juste pour épicer la sauce !playmoflik

Au carrefour de Songololo , là où on tourne à droite pour rejoindre la douane, j’ai demandé à des keufs jaunes et bleus, les playmobils de la circulation, où il y avait bien moyen de dormir dans cette toute petite bourgade à peine plus agitée qu’un village de brousse. Ils m’ont indiqué une mission où les gentils curés congolais ont l’habitude d’héberger les voyageurs de passage. C’est dans une grande piaule un peu austère mais bien calme et avec des vrais draps que je peux regarder mon pied gauche un peu gonflé en me demandant par quel sort farfelu, mon pied se met à gonfler alors que les bonobos ne m’ont mordu qu’aux avant-bras !

Dimanche 21 , de Songolo à Mbanza Congo

                                                 mines

Ce matin est bien sûr un autre jour…mon pied est dégonflé, le curé en chef en est ravi, il me dit qu’il va prier pour moi, je lui dis juste de prier pour ma moto.

Je démarre, ça ne fume plus, en voilà de la prière efficace dis-donc…ça ne durera pas mais ça veut au moins dire que ce n’est ni un segment cassé, ni une soupape bloquée sinon ça fumerait tout le temps. Ce n’est pas pour ça que ma moto a retrouvé la fougue de sa jeunesse mais au moins, elle m’emmènera peut-être au bout de ce voyage, ce qui quelques heures plus tôt était bien loin d’être acquis, mais bon, je ne suis plus à une surprise près ! Quinze bornes de piste étroite m’emmèneront à la douane, sortie du Congo-entrée en Angola, c’est un peu lent, mais tout se passe avec flegme et courtoisie. Dans le nord de l’Angola, on est toujours au pays du Bacongo…on y parle encore le Lingala et beaucoup le Français, on est toujours dans les vertes collines, on ne change pas vraiment de pays. Il y a tellement de gens d’ici qui ont fui la guerre pour aller vivre à Kinshasa que je n’ai pas l’impression d’avoir vraiment changé de pays.

      paysage_rochers                                                                                       

La piste est presque aussi pourrie qu’au Congo Brazza. Je retrouve les passages de flotte à peine moins profonds et ceux de boues bien corsés mais qui se passent finalement pas trop mal, merci le pneu chinois. En passant près d’un camion en panne, je me récupère un candidat pousseur qui se demandait justement combien de jours son transport allait mettre avant de redémarrer. Me revoilà avec un passager. Le calcul n’est pas simple ; évidemment, je récupère de la main d’oeuvre pour bourbier mais avec la surcharge, le risque de glissade visqueuse augmente très nettement.

bourbier_en_detail

Je le préviens quand même, mais il n’hésite pas une seconde. Il faut dire que les pannes de camion, en Afrique, ça peut durer facile au-delà de toute notion temporelle. Et me voilà comme au bon vieux temps du petit Francis, mais celui-ci n’a pas trop envie de se bouger dans les bourbiers, alors on se jette et si ça passe pas, on est bon pour l’exercice.

On arrivera à Mbanza Congo, première bourgade angolaise et c’est pas avec un nom pareil que je vais pouvoir enfin constater que j’ai changé de pays !

                           mbanzacongo

Je dépose mon passager un peu boueux et exténué dans sa famille et on m’indique un hôtel à côté. Un truc bien crado et bien bruyant mais j’ai quand même réussi à faire passer le tarif de vingt à dix dollars ce qui pour une geôle sans fenêtre à côté d’un groupe électrogène est déjà largement du surcoté pour Mundélé…y’a pas un souffle d’air, c’est un vrai sauna ma piaule et dehors, ça braille, ça essaye de parler plus fort que le groupe…c’est sûr que je vais très mal dormir et que demain, sur la piste, ça va être quelque chose.

                      grand_paysage

Lundi, vingt deux

Les étapes et les circonstances qui y amènent ne sont vraiment jamais les mêmes. Me voici dans une salle de classe toute neuve et étonnement silencieuse au milieu de la brousse. Le gouvernement angolais construit partout des jolies écoles roses, il devrait peut être aussi faire quelques routes pour prévoir le ramassage scolaire. Je vais pas me plaindre, je suis bien dans ma classe au calme, mais bon, si la route avait été meilleure, je serais peut être aussi déjà à Luanda ! Ce matin, mon passager de la veille m’attendait devant l’hôtel pour savoir si je ne voulais pas l’emmener un peu plus loin. Après tout pourquoi pas... il voulait que je l’emmène chercher des papiers, je lui ai dit que bon, j’avais super mal dormi, qu’il fallait que je me trouve un vague petit déj avant de prendre la route, alors que, d’accord, je pouvais l’emmener mais qu’il aille faire ses courses tout seul et qu’il me rejoigne deux heures plus tard, le temps de manger, charger la bécane, trouver de l’essence… Deux heures après, il n’était pas là…à la station d’essence clandestine, en voilà un autre qui me demande pareil. Il y’en a de la demande pour cette route… allez, je t’embarque ; ouais, super mais y faut que je fasse un truc vite fait et je reviens…le truc à faire c’était tellement vite fait que j’ai fini par décoller tout seul. J’ai pas que ça à foutre non plus. Au début la route aurait presque eu l’air bonne, il y avait même suffisamment de vestiges d’un goudronnage lointain pour qu’on puisse presque atteindre un bon soixante à l’heure et puis les choses ont basculé. Des camions en rade partout, des bourbiers terribles, des zones de roches pleine de trous super raides, et moi , inexorablement, je progressais sans broncher . A chaque fois, je me disais que, non, là ça ne va pas passer, et pourtant si…avec le pneus chinois et l’embrayage en céramique , je les ai tous vaincus les bourbiers.

Après ça devenait plus sableux donc moins glissant, toujours avec des trous d’eau, mais ça je commence à connaître ; sauf qu’il suffit parfois d’un modèle un tout petit peu plus profond et voilà, c’est le plongeon, tout s’arrête.                                                                                           

lapanne

Comme toujours dans ces cas-là, plein de gens on surgit de nulle part et on a poussé la bécane jusqu’au prochain village. J’ai démonté le moteur pour enlever l’eau qui était rentrée dedans et puis le chef du village m’a invité à partager son repas, du foie de phacochère avec du riz, je ne me suis resservi que de riz. Demain, je ne sais pas ce qu’il y aura au petit déj…je ne sais pas non plus si après remontage j’arriverai à redémarrer. C’est nouveau pour moi le moteur au court-bouillon, alors , je ne connais pas encore les conséquences, ça sera la surprise du jour…

Mardi vingt trois

Lever à l’aube, comme toujours dans les patelins de brousse . Laurenço, le chef du village est très prévenant à mon égard, je suis convié à chacun de ses repas et heureusement, le matin ce n’est plus du foie de phacochère.

                                       chez_laurenco

Du pain, des cacahuètes fraîches et du manioc séché avec un p’tit café qui colle bien au palais comme on les fait si bien ici . Le programme du jour est simple, tout démonter, enlever l’eau et redémarrer. Facile à dire mais à la fin, malgré une étincelle aux bougies, on dirait bien que la pauv’ bécane a bien choisi de mourir ici. Pourtant les pistons avaient l’air bien et les soupapes aussi, je les ai réglées bien comme il faut, mais à l’arrivée, rien du tout…démarrage au pied bien sûr vu qu’un démarreur ça n’aime pas la plongée , mais compression zéro, rien, du tout mou. L’embrayage en céramique n’a pas aimé non plus, enfin bref, tout a l’air bien mal en point là dedans. J’ y croyais quand même, moi, je me souvenais d’un pote qui avait vu sa moto tomber de pirogue dans le Niger mais après repêchage et démontage, lui, il était reparti, c’était sans doute ça la force des bonnes vieilles Yamaha Ténéré…moi je ne suis pas reparti ; enfin pas en bécane…demain on change de rythme, douze bornes à pieds, pour aller dans un genre de petite ville essayer de trouver un moyen de transport…je crois que je ne suis pas encore arrivé à Luanda .

Mercredi vingt quatre

Ce matin, Laurenço est bien décidé à m’accompagner pour les douze bornes à pieds, il n’a pas du tout l’intention de laisser un hôte de son fief partir comme ça au petit matin. Cette nuit, il a hébergé un couple qui après le naufrage d’un minibus-taxi s’est déjà tapé une dizaine de kilomètres. On s’est enfilé tous ensemble quelques bouts bien coriaces du phacochère de la veille. On avait décidé de faire équipe avec le couple en perdition, mais Laurenço et ses administrés insistent vraiment pour qu’on essaye de démarrer la moto en poussant. Après tout pourquoi pas, moi je ne serai jamais qu’assis dessus !

Et la voilà qui démarre…je fais quelques centaines de mètres sans en revenir, l’embrayage, la boîte, tout fonctionne tant bien que mal. Mais il faut rester lucide, une moto qui ne démarre qu’avec la poussée d’un demi village de brousse ne peut pas m’être d’une terrible utilité le premier bourbier venu et comme hier, il y a eu une très grosse averse, la route est encore bien visqueuse. Mais Laurenço insiste, il a envie de son tour de moto . J’ avais passé la soirée à re-concevoir mon paquetage pour une nouvelles carrière de piéton mais il faut charger la bécane et sans illusion , prendre la route.

Je n’y crois pas trop, au premier bourbier, je tourne sur un cylindre mais mon passager tient à ce qu’on continue. Au troisième, je commence à m’embourber

Le moteur calle, on a fait trois kilomètres . Il faut se les retaper dans l’autre sens à la poussette, ça va nous faire digérer nos cafés-arachides du petit déj. Après les premiers milles mètres, on arrive à hauteur d’un bus en panne.

                                       attente_taxibrousse                                    

Ce n’est qu’une panne de gasoil, il a envoyé quelqu’un qui ne devrait d’ailleurs plus tarder chercher de quoi repartir. En attendant, on essaye de négocier avec deux véhicules déglingués qui passent, mais même pour quelques billets verts, ils ont peur de la surcharge. Le bus en attente de gasoil me propose de faire affaire. Il a perdu presque tous ses clients, me trimballer, lui, ça l’arrange plutôt.

Alors, on tape la main, et on attend ce fameux carburant qui n’arrivera jamais, sauf le vin de palme bien sûr ! C’est sans doute lui ce fameux secret, la réponse à ce mystère insondable, mais comment les Africains font t’ils pour attendre des jours à côté de leurs camions en panne ? Après une première journée pour rien, assis au bord de la route, je sais que rien ne serait possible sans ce breuvage parfois redoutable qui en plein cagnard, annule très vite le temps.

On ne se demande jamais vraiment ce qui se passe dans ces villages traversés, on ne cherche jamais à rentrer dans la vie de ces gens qui attendent à côté de leur camion en rade , maintenant, avec mon changement de rythme, je vais connaître ça aussi. Demain on aura peut être du carburant, puis on s’embourbera sans doute ou on cassera le moteur…un jour j’arriverai à Luanda, là-bas, au bout du monde, à deux cent trente bornes …

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